Au revoir ma chère Doli.

Au revoir ma chère Doli. Avant de partir, tu nous as fait entendre une dernière fois ton petit hennissement aigrelet qui n’appartient qu’à toi. Ensuite, tu es partie, tranquille et apaisée, cajolée par nos caresses et nos baisers.

Maintenant tu planes au-dessus de nos têtes dans ce ciel bourbonnais  sous lequel tu as coulé la vieillesse la plus heureuse qui soit, savourant les délicates et tendres attentions de ton amie et complice de toujours, ta mère adoptive et maîtresse, Marie, ma fille adorée submergée par le chagrin. Elle a tout fait pour que ta vie soit la plus heureuse possible et ton départ le plus doux qui puisse être. Elle a parfaitement réussi.

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Des prairies grasses du Cotentin, tu es arrivée chez nous en 1997, tu avais six ans, tu venais de rater, 6 mois plus tôt, une finale à Fontainebleau, à cause d’une cochonnerie de colique (déjà !) et grâce à cela, tu as pu rentrer dans notre budget. Quelle chance pour nous ! Si tu avais réussi cette finale, ton prix ne nous aurait jamais permis de te faire venir à la maison.

Naturellement, comme si c’était une évidence, dès ton arrivée à la maison, tu es devenu la jument de Marie ! Et vous ne vous êtes jamais quittés !

Déjà tes petits hennissements stridents et avortés, comme si tu avais du mal à pousser de la voix, marquaient la vie de l’écurie. C’est à Marie que tu les destinais d’ailleurs, chaque fois que tu l’apercevais, débouchant au coin de l’écurie où, au bout d’une pâture.

Le saut d’obstacles, c’était ton truc ! Marie t’a suivi dans ce délire abandonnant la voltige pour ne se consacrer, avec toi, qu’à cela !

Toutes les deux, vous avez brillé dès le début, dès les petites épreuves. Tu étais un peu pétasse d’ailleurs car, avec Marie c’était le sans-faute assuré mais dès que tu étais sous la selle « d’une autre », tu ramassais les barres, un peu comme si tu voulais me dire : c’est Marie et personne d’autre ! Message reçu cinq sur cinq ! Ce fut Marie et personne d’autre !

100, 110, ça roule…  120, 125, la progression est fulgurante, les sans-faute s’enchaînent, Marie est aux anges, toi tu fais la fière, oreilles toujours tendues vers l’avant… 130, 135, ça continue, vous confirmez toutes les deux votre complicité, alors on tente le 140, à Saumur pour la première, sur cette prestigieuse Carrière du Chardonnet ! Et ça passe ! Mais on sent que cela devient un petit peu difficile. Hélas, les hasards de la vie font que je ne suis plus auprès de vous deux pour vous aider au mieux. Il faut attendre mon retour près de vous pour que la progression reparte.

Je reviens près de vous et on confirme le 140,  puis, 145. En Grand Prix, vous êtes fantastiques, du pur bonheur de vous voir planer au-dessus des oxers, attaquer les verticaux, tourner autour de la botte, cherchez l’obstacle suivant avant même la réception, repartir à l’attaque d’un double ou d’un triple car, c’était vraiment cela, tu attaquais tes parcours.

Ton calme avant l’entrée en piste et dès la ligne d’arrivée franchie était surprenant, rien à voir avec ton comportement sur le parcours. J’aimais te sentir, épaule contre épaule, à côté de moi avant de vous lâcher toutes les deux sur la piste. Il me semblait que tu étais heureuse de me revoir en fin de parcours, mission accomplie. En sortie de piste, tu te dirigeais droit sur moi pour recevoir bises, caresses, compliments et conseils.

Ô bien sûr,  cela n’a pas toujours été facile, tu avais « un foutu caractère », tu ne supportais pas la main !  Combien de fois avons-nous dû changer d’embouchure ? Les zones d’abord n’étaient pas trop ton truc non plus, surtout que Marie et toi n’avaient pas du tout le même point de vue. Elle tentait de te faire comprendre qu’il te fallait rester sur les hanches et toi, tu tentais de lui faire comprendre qu’elle devait te fiche la paix. Mais voilà, toi tu aimais un peu « les longues » et Marie préférait « les courtes »…

Impossible de t’emmener en concours seule, il te fallait un chaperon ! Dès que tu te retrouvais seule dans le camion, tu menaçais de tout casser. Alors, pour satisfaire tes caprices, on emmenait systématiquement avec toi un compagnon d’écurie. Pas très pratique, mais bon… on faisait ce que tu voulais. Pareil, plus tard, une fois en retraite, il te fallait toujours ta fille à côté de toi pour rester tranquille au pré comme au boxe, pour cela, tu étais une vraie « chieuse » !

Les coliques, elles t’ont suivi toute ta vie, grâce à elles tu es arrivé chez nous, mais une fois à la maison, tu les as enchainées, jusqu’à la dernière, il y a quelques années où la maestria d’un super docteur vétérinaire t’a sorti de là. Puis, grâce aux scrupuleuses attentions de Marie tu n’as jamais récidivé. C’était notre hantise !

Je suis content d’avoir construit ta dernière écurie, à La Font Viverot, ton dernier box, il y a 17 ans maintenant. J’y ai mis tout mon cœur pour que tu sois bien. Ce box restera celui de Doli.

Depuis mon bureau, les yeux mouillants vers les nuages qui passent au-dessus de La Font Viverot, je t’envoie un grand merci ma chère Doli, un immense merci à toi pour tout le bonheur que tu as donné à ma fille chérie.

Tu viens de retrouver Voyou ! Il t’attendait ! Tu ne seras pas seule là-haut, toi qui ne supportais pas de l’être en bas. Embrasse-le pour nous ! Et comme je le disais à Voyou quand il est parti il y a un tout petit peu plus d’un an, maintenant que le temps n’a plus d’importance pour vous, attendez moi de l’autre côté de la porte, nous poursuivrons ensemble notre chemin quand mon heure sera venue.

Je t’aime.

JMRousseaux

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